Le président du Réseau environnement santé, André Cicolella, animera une conférence publique, jeudi, à 20 h, aux halles Saint-François à l'invitation des écologistes. Le chercheur appelle à une mutation du système de santé.
Le projet de loi santé 2015 vous paraît-il suffisamment prendre en compte la lutte contre les risques sanitaires liés à l'environnement ?
La ministre Marisol Touraine a reconnu qu'il nécessitait d'être complété pour la partie santé environnement. J'ai été auditionné la semaine passée, je vais l'être en mars pour dire qu'il faudra savoir faire face à cette épidémie de maladies chroniques (cancers, maladies cardiovasculaires, troubles du système nerveux, de la reproduction, etc.) que l'Organisation mondiale de la santé, dans sa déclaration de New York en 2011, a décrite comme le principal défi pour le développement durable en ce début de XXIe siècle. L'objectif défini au niveau mondial par les grandes associations de malades, c'est de les réduire de 25 % à échéance 2030. Il y a une ouverture de la part de la ministre, mais il faut des mesures structurantes pour changer le système de santé. Plus il est efficace, plus il fait reculer la mortalité, plus la prise en charge des malades chroniques augmente, plus les coûts pour les soigner sont importants. Il faut agir sur la genèse de ces maladies. On ne peut pas tout expliquer par le tabac et l'alcool. Il faut s'attaquer aux risques liés à l'environnement (pollution chimique, modification de l'alimentation, l'évolution de modes de vie...). Une partie des causes est là.
Quelles mesures ?
Il faut tenir compte des avancées de la science, qui nous dit que, la période sensible, c'est la gestation. C'est là que se joue une grande partie de la genèse des maladies du futur enfant, du futur adulte. C'est tout le problème des perturbateurs endocriniens, sujet de la première campagne menée par le Réseau environnement santé dès 2009, qui a abouti à l'interdiction des biberons au bisphénol en France. C'est le premier pays au monde à interdire les contenants alimentaires au bisphénol, le premier à se doter d'une stratégie de lutte contre les perturbateurs endocriniens.
Comme le perchloréthylène dans le nettoyage à sec, que le réseau a combattu.
Une autre victoire importante. C'était totalement absurde de nettoyer les vêtements avec une substance cancérogène, toxique pour le système nerveux, la reproduction, le foie, qui a causé des décès parmi les riverains de pressings.
Faudrait-il lutter en priorité contre d'autres perturbateurs ?
Une demi-douzaine de grandes familles imprègne déjà la population, pour lesquelles on a des données scientifiques solides. Je pense aux phtalates, aux perfluorés qui contaminent les hommes, les animaux, les eaux de surface, aux polybromés mais aussi aux additifs alimentaires. On a fait une alerte la semaine passée à partir d'une publication qui montre que l'on a 175 substances considérées comme préoccupantes, dont 119 perturbateurs endocriniens, dans les additifs et les matériaux à usage alimentaire.
Que vous inspire le récent avis de l'Agence européenne de sécurité des aliments ?
elle prétend que l'exposition au bisphénol A ne présente pas de risque pour les humains ? Un millier d'études concordantes disent le contraire dans le monde. C'est criminel de continuer à dire que l'on peut exposer des nourrissons à cette substance alors qu'on sait que c'est pendant la période périnatale que se joue l'avenir sur plusieurs générations. C'est du même ordre d'idée que le distilbène : le taux de cancer du sein a doublé, les malformations génitales surviennent encore en 2015 chez des enfants dont les grands-mères ont pris ce médicament dans les années 50 ! Personne ne peut accepter d'exposer sa descendance à ce type de risque.
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