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12 janvier 2012 4 12 /01 /janvier /2012 17:13
La "géopolitique de l’eau" vue par la gauche et la droite parlementaires : une habituelle promotion du "modèle de privatisation à la française".

jeudi 12 janvier 2012, par Gérard Borvon

Les parlementaires français, gauche et droite réunies, sont incorrigibles : toutes les occasions leur sont bonnes pour faire la promotion du "modèle français de l’eau", reposant sur la puissance des multinationales privées qui accaparent 80% du marché français, et pour les aider à la "conquête des marchés de l’eau", en particulier dans les pays exploités.


L’habituel consensus droite-gauche.

Il existe des sujets en France où la coopération droite/gauche s’impose : les centrales nucléaires, la force de frappe... et l’eau.

Nouvel exemple avec le rapport d’information sur la "géopolitique de l’eau" présidé par Lionnel LUCA, député UMP de la 6ème circonscription des Alpes Maritimes et dont le rapporteur est Jean GLAVANY, député PS des Hautes-Pyrénées. Tout ceci en pleine "bataille" pour les présidentielles 2012.


ASSEMBLÉE NATIONALE CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958 TREIZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 13 décembre 2011.

RAPPORT D’INFORMATION DÉPOSÉ en application de l’article 145 du Règlement PAR LA COMMISSION DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES en conclusion des travaux d’une mission d’information constituée le 5 octobre 2010 (1) sur

« La géopolitique de l’eau »

Président M. lionnel LUCA

Rapporteur M. Jean GLAVANY

http://www.assemblee-nationale.fr/13/rap-info/i4070.asp


Les services du parlement ont bien travaillé.

On trouvera dans ce rapport les statistiques, cartes, courbes, dates, qui constituent une excellente synthèse pour toutes celles et tous ceux qui s’intéressent au problème de l’eau dans le monde.

D’une manière générale les services et administrations françaises font preuve d’une compétence dans le domaine de l’eau qui mériterait un meilleur usage que celui qu’en font les "politiques".

Sous son aspect technique, ce rapport mérite donc qu’on le lise.

Mais un tel document est d’abord politique et c’est à ce titre qu’il mérite d’être commenté. Publié peu de temps avant la tenue du "Forum Mondial" de l’eau organisé par le "Conseil Mondial de l’eau", ce lobby à la française, il tente de répondre aux contestations internes du "Partenariat Public Privé", spécialité française, en conseillant plus de discrétion à l’intervention, en France, des entreprises privées de l’eau tout en leur ouvrant un nouveau champ : la conquête des marchés mondiaux.

Une obsession : exporter le "modèle" français.

Il est bon de rappeler ici l’intervention du député Santini défendant la loi qu’il a portée avec le sénateur Oudin et autorisant le prélèvement de 1% des factures d’eau pour des actions dites de "coopération".

Cela commence par un tableau enthousiaste de la puissance des entreprise françaises de l’eau.

"L’industrie française de l’eau se répartit principalement entre trois groupes.

Véolia dessert environ 40 % des abonnés, Lyonnaise des Eaux-France 22 %, saur-cise 16 %. L’expansion des entreprises françaises s’est réalisée principalement par l’obtention de contrats internationaux et par croissance externe (acquisition de sociétés, alliances entre groupes concrétisées par l’instauration de filiales communes, prise de participation dans les entreprises...). Le pôle eau de Véolia (Véolia Waters) résulte de l’intégration de la Compagnie Générale des Eaux et de l’Américain USFilter et réalise un chiffre d’affaires de près de 13 milliards d’euros dont 61 % en Europe. Avec 70 000 salariés, il dessert plus de 100 millions d’habitants dans une centaine de pays. Il occupe la première place dans la production d’équipements de traitement d’eau et dans la gestion déléguée des services liés à l’eau. En France, Véolia Waters est le principal partenaire des collectivités locales dans le domaine de l’eau et de l’assainissement, avec 55 % des parts de marché et quelques 14 000 salariés ; il dessert 25 millions de personnes en eau potable et 19 millions en assainissement à travers 48 centres opérationnels et 134 agences.

De son côté, Lyonnaise des Eaux-France est la filiale du groupe Suez-Environnement. Suez-Environnement dessert 125 millions d’habitants en eau potable et en assainissement à travers le monde ; il est présent dans des métropoles telles que Casablanca, Buenos Aires ou Sydney et se trouve à la première place pour l’ingénierie de traitement de l’eau et le traitement chimique de l’eau. La Lyonnaise des Eaux génère en France 2,13 milliards d’euros de chiffre d’affaires et emploie 8 000 salariés ; elle y dessert 14 millions d’habitants en eau potable et 9 millions d’habitants en assainissement.

La puissance de ces groupes français leur permet d’être à la pointe de la recherche dans le domaine de l’eau. Suez-Environnement dispose du premier budget de recherche privé sur l’eau à l’échelle mondiale."

Peut-on rêver meilleur propagandiste ? Mais notons surtout la suite :

"C’est pourquoi donner aux communes, établissements publics de coopération intercommunale et syndicats mixtes, la possibilité de conclure des conventions de coopération internationale, est non seulement un moyen de permettre une exportation du modèle français de gestion de l’eau, mais aussi un moyen de compléter utilement la conquête de marchés par les grands groupes français."

Conquête de marchés par les grands groupes français ? Que lisons-nous dans le rapport de nos parlementaires :

- Encadré "Public-privé : guerre impossible, faux-débat et vrais enjeux" :

"les entreprises qui sont partie intégrantes, avec les délégations de service public et la gestion par agences de bassins, du "modèle français" peuvent et doivent participer plus et mieux à l’exportation de ce modèle, tant dans la conquête de marchés de distribution ou d’épuration que dans des projets de coopération dans le domaine de l’eau et l’assainissement au profit des pays les plus pauvres."

Message entendu et qui fait l’objet de plusieurs interventions dans le débat :

- M. Michel Terrot, UMP : ... comment se comportent nos grands groupes comme Veolia, Vivendi et Suez ? Est-il possible, par une diplomatie appropriée, de les aider, notamment pour conquérir des parts de marché ?

- M. Jean-Claude Guibal, UMP : Je souhaite poser trois questions. Tout d’abord, que représente le marché de l’eau ? Quels sont les volumes financiers associés sur le plan mondial ? Quelle est notamment la part de marché des entreprises françaises sur le marché de l’eau et de l’assainissement ?

-  M. Jean-Paul Bacquet, PS. ...Nous ne savons pas exporter suffisamment la délégation de service public. Il faut en finir avec le cliché qui veut que la gestion publique de l’eau serait par nature économe tandis que la gestion privée coûterait chère. Tout dépend de la capacité des responsables politiques à s’investir sur cette question. Les délégataires peuvent s’acquitter correctement de leur tâche. Si certains contrats de délégation ont été dénoncés, c’est parce que le travail n’était pas fait et que le délégataire s’était assuré l’indulgence des élus.

Il faut réhabiliter la délégation de service public dont nous avons tort de ne pas exploiter le potentiel extraordinaire à l’étranger.

-  M. Jean Glavany, PS, rapporteur  : "...Le modèle français est exportable sur plusieurs aspects : que ce soit les modalités de la délégation de service public, la technologie des entreprises, ou encore la décentralisation et la gestion par des agences de bassin. Je partage le sentiment de Jean-Paul Bacquet sur la question de la gratuité : elle n’existe pas, il y a toujours quelqu’un qui paie. Quant à la coopération décentralisée : la loi Houdin (sic) est mise en œuvre par certaines agences de bassin, mais il faudrait structurer ces initiatives dans un cadre global. Le ministère y réfléchit."

- M. Lionnel Luca, UMP, président. "Je suis tout à fait d’accord avec Jean Glavany. Il y a effectivement un savoir-faire français dont nous n’avons pas à rougir et qu’il faut savoir exporter. Les entreprises y gagnent, mais le pays aussi. C’est un bénéfice pour tout le monde. Il ne faut pas oublier qu’il y a concurrence sur ces questions, avec les Etats-Unis et bientôt la Chine. Nous avons tout intérêt à soutenir nos entreprises, qui interviennent dans un esprit qui n’est pas uniquement mercantile. Nous avons rencontré de nombreux interlocuteurs dans cette logique. Vous trouverez dans le rapport des éléments plus exhaustifs et plus précis.

Ce rapport pourrait aussi être vu comme une bonne synthèse du sujet avant la tenue du Forum mondial de l’eau à Marseille l’an prochain."

Nous avons donc bien compris.

Ce rapport, concocté en commun par le PS et l’UMP, a pour premier objectif de faire la promotion du Forum mondial de l’eau de Marseille avec comme préoccupation première l’exportation du modèle français de la délégation aux entreprises privées de la gestion de l’eau publique.

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