Overblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
15 novembre 2011 2 15 /11 /novembre /2011 07:16
Recueilli par Matthieu Écoiffier
Interview 15.11.2011

«Hollande est en train de se ségoléniser»

Daniel Cohn- Bendit dénonce l’intransigeance du candidat PS dans les négociations avec les écologistes :

Daniel Cohn-Bendit, cofondateur d’Europe Ecologie-les Verts, multiplie les contacts avec Michel Sapin, bras droit de François Hollande, pour débloquer les négociations avec le Parti socialiste sur le contrat de gouvernement couplé avec l’accord électoral qui doit être présenté ce soir au bureau national du PS.

Un compromis est-il possible, notamment sur le nucléaire ?

Pour l’heure, nous avons un texte d’une trentaine de pages qui comprend de nombreux points positifs. Dont la proposition de François Hollande de réduire de 25% la part d’électricité d’origine nucléaire d’ici à 2025. Mais sur le réacteur EPR de Flamanville, pour l’instant, c’est complètement bloqué. François Hollande dit : «S’il y a un questionnement sur la sécurité et la faisabilité de l’EPR, faisons un audit. Mais sans suspension du chantier pendant l’audit.» C’est incompréhensible. Une fois que l’on a tiré les leçons de la catastrophe de Fukushima, il est indispensable de revoir l’architecture de Flamanville.
Selon le PS, Flamanville permet de sécuriser l’approvisionnement en électricité. Se dédire rajouterait 1,5 milliard à un chantier qui a déjà coûté 3,5 milliards…

Il existe des scénarios de sortie du nucléaire sans l’EPR, et pas seulement issus de nos rangs. Mais restons dans la logique socialiste : si on continue à construire l’EPR et que l’audit conclut qu’il faut le modifier, cela coûtera beaucoup plus cher. François Hollande, premier secrétaire du PS en 2004, était contre l’EPR et il a mené campagne en 2007 avec Ségolène Royal pour un moratoire sur cette installation. Aujourd’hui, les écologistes seraient irresponsables de le demander ? C’est de l’hypocrisie totale. Je rappelle aussi que l’EPR finlandais construit par EDF est passé de 3 milliards d’euros à près de 7 milliards, que le chantier a quatre ans de retard et n’est toujours pas fini.

Comment expliquez-vous ce blocage ?


Il y a une méfiance mutuelle des socialistes face à Europe Ecologie sur le mode : «Ils ne sont pas mûrs pour gouverner.» Et inversement en ce qui concerne la transformation écologique nécessaire. Cette culture de la méfiance nous conduit dans le mur.
François Hollande en fait une question d’autorité ?

Je récuse l’argument selon lequel François Hollande a annoncé qu’il ferait Flamanville au JT de France 2 et que la messe est dite, habemus papam. C’est le virus présidentiel français. Vouloir être le président d’une République contractuelle suppose d’écouter et non pas d’imposer. La manière dont il fait la démonstration de sa crédibilité, c’est du Sarkozy ou du Mitterrand pur jus. J’ai raison, le chef c’est moi. C’est ainsi que Sarkozy a tenu le bouclier fiscal. Or, l’autorité doit rimer avec raison.
Les ultimatums de certains écologistes n’ont-ils pas contribué à ce blocage ?

Les ultimatums et les diktats ne font pas avancer le schmilblick. On ne peut pas fonctionner comme ça. Quand on veut être président et rassembler la gauche et que Jean-François Copé, patron de l’UMP, somme, au nom de l’intérêt national, le candidat socialiste de ne pas faire d’accord avec les écologistes et que le résultat final c’est qu’il n’y a pas d’accord, cela signifie qu’on n’a pas la carrure présidentielle. Un échec entre le PS et EE-LV signerait le début de la reconquête de Nicolas Sarkozy. Quand on veut être chef de l’Etat on ne s’arrête pas à une petite phrase incorrecte d’Eva Joly ou de Cécile Duflot. On essaye de formuler l’intérêt général. Or l’intérêt général c’est un accord avec nous. Hollande est en train de se ségoléniser. Il a fait une bonne primaire et juste après, il est déjà en cellule de crise, alors que rien n’a commencé.

Y a-t-il une porte de sortie ?


Rien n’est impossible, même un miracle. Mais je suis pessimiste. Si la gauche veut gouverner comme ça, de toute façon, ça ne marchera pas. Les ONG, les syndicats vivent très mal le psychodrame entre EE-LV et le PS. La seule porte de sortie, c’est de réunir les partenaires pour un Grenelle de l’énergie et négocier un compromis. Hollande peut encore présider une République qui prenne en considération l’avis des citoyens et pas seulement celui des partis.

Arnaud Montebourg estime que le PS a vocation à représenter l’écologie…

C’était le rêve du SPD [les sociaux-démocrates, ndlr] en Allemagne. Il a mis quinze ans à comprendre que cela ne fonctionne pas comme ça. Moi qui étais sceptique sur la candidature écologiste, je constate que l’attitude du PS justifie la candidature d’Eva Joly. Montebourg fait preuve d’une arrogance infantile.
Le PS table sur le vote utile…

Alors ce sera une victoire à la Pyrrhus. Car ils seront dans un marasme total pour gouverner seuls dans un contexte économique difficile. Ils devront affronter les écologistes, la surenchère radicale de la gauche de la gauche et l’opposition de droite bête et méchante. Le PS sera peut-être majoritaire à l’Assemblée mais minoritaire dans la société.
Les écologistes n’ont-ils pas, malgré tout, intérêt à avoir un groupe parlementaire et des ministres ?

On peut retourner l’argument. Cela vaut-il la peine de faire capoter l’accord avec les écologistes pour dix-huit mois de moratoire à la seule fin de poser l’autorité du candidat socialiste ? Un président citoyen aurait tout intérêt à lancer un grand débat national sur l’énergie, la sobriété énergétique et le nucléaire, et prendre les citoyens à témoin par un référendum. Cela s’appelle oser la démocratie.



Partager cet article
Repost0

commentaires